L'Identification des criminels à la fin du XIXe siècle
À la fin du XIXe siècle, la France est confrontée à un dilemme judiciaire majeur : comment identifier de manière fiable les criminels récidivistes?
Une part importante de la population carcérale est constituée de récidivistes, mais les méthodes d'identification sont rudimentaires et inefficaces.
Le principal problème réside dans la capacité des criminels à dissimuler leur véritable identité, exploitant ainsi les failles du système judiciaire. Les récidivistes utilisent souvent plusieurs noms, appelés alias par les policiers, rendant difficile la corrélation entre les différentes condamnations et les identités sous lesquelles elles ont été prononcées.
Les Premières Solutions
Pour résoudre cette problématique, la France se dote des « sommiers judiciaires » dès 1800.
Ces registres, tenus par la Préfecture de police, recensent toutes les condamnations prononcées, formant ainsi une base de données des délinquants.
Malgré cette initiative, le système présente rapidement ses limites : l'augmentation massive du nombre de fiches, environ 8 millions en 1893, et la difficulté de distinguer les individus homonymes compliquent considérablement la tâche.
En 1833, une innovation majeure survient lorsque le préfet Gisquet remplace les registres par des fiches individuelles, mais même cette amélioration se révèle insuffisante face à l'ampleur de la tâche.
Naissance de l'Anthropométrie
La fin du XIXe siècle marque l'entrée en scène d'Alphonse Bertillon, un fonctionnaire de police visionnaire.
Conscient des lacunes des méthodes d'identification existantes, Bertillon introduit une approche révolutionnaire : l'anthropométrie. Cette technique repose sur la mesure de différentes parties du corps humain, notamment les os, dont les dimensions restent constantes à l'âge adulte.
La proposition de Bertillon, basée sur la précision scientifique, promet une identification plus fiable des criminels.
L'application de l'anthropométrie commence en 1882 à la Préfecture de police de Paris.
Les résultats sont rapidement probants : dès 1883, l'anthropométrie permet d'identifier avec succès des récidivistes. L'un des cas les plus célèbres est celui de l'anarchiste Ravachol, identifié grâce à cette méthode en 1892.
L'anthropométrie de Bertillon gagne en crédibilité et en popularité, devenant un outil incontournable pour la police judiciaire française.
Mais malgré un certain succès, l'anthropométrie de Bertillon n'est pas exempte de critiques.
La principale réserve concerne la question de l'unicité des mesures : bien que permettant de distinguer des individus différents, cette méthode ne garantit pas l'identification absolue d'une personne. De plus, la complexité et le coût de mise en œuvre de l'anthropométrie limitent son application à grande échelle.
Découverte et Adoption de la Dactyloscopie
Au tournant du XXe siècle, un progrès majeur est réalisé dans le domaine de l'identification criminelle : la dactyloscopie.
Cette méthode repose sur l'analyse des empreintes digitales, qui sont propres à chaque individu.
Contrairement à l'anthropométrie, la dactyloscopie offre une quasi-certitude (les probabilités d'empreintes identiques étant quasiment impossibles) d'identifier formellement un individu.
De plus, cette identification ne varie pas car les motifs de crêtes papillaires sur les doigts restent inchangés tout au long de la vie d'une personne.
La dactyloscopie se révèle rapidement utile dans des affaires criminelles complexes.
Un exemple notable est l'affaire Henri-Léon Scheffer de 1902.
À Paris, dans l'appartement d'un dentiste, le corps d'un homme est découvert, victime d'un meurtre apparemment lié à un vol.
Les enquêteurs de l'Identité judiciaire identifient des empreintes digitales sur un médailler fracturé.
Ces empreintes, disposées d'une manière qui indique clairement l'interaction du suspect avec l'objet après sa fracture, sont soigneusement analysées.
Alphonse Bertillon, malgré ses réserves initiales sur la dactyloscopie, parvient à identifier les empreintes comme étant celles de Scheffer, un criminel déjà fiché.
Cette identification mène à la résolution rapide de l'affaire, démontrant l'efficacité et la précision de la dactyloscopie dans le domaine judiciaire.
Conclusion
L'adoption de la dactyloscopie a marqué un tournant dans la criminalistique, instaurant une ère où la preuve matérielle et scientifiquement vérifiable devient essentielle dans la justice pénale.
Ce progrès a non seulement amélioré la précision dans l'identification des criminels mais a également jeté les bases pour les avancées futures telles que l'analyse ADN, transformant profondément le travail de la police scientifique et de la justice.
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L'épisode sur cette affaire sera en ligne le 1er février 2024