En 2024, nous fêtons les 40 ans du premier titre international de l'histoire du football tricolore . Magnifique et historique Euro 1984 à domicile, avec des Bleus victorieux portés par une superstar Michel Platini . Mais qui se souvient de la trajectoire de cette équipe de France 1982-1984 , sortant d'une demi-finale de Mondial vers un Championnat d'Europe loin d'être gagné d'avance ? Après ses entretiens avec des joueurs majeurs de l'époque, Le Podcast des Légendes revient sur cette période méconnue, pourtant ô combien charnière. De Joël Bats à Maxime Bossis en passant par Alain Giresse ou Didier Six , nombreux sont ceux à l'avoir traversé. Entre ambitions, difficultés et premières, replongez dans le parcours des Bleus entre 1982 et 1984 . Il forme la genèse de ce qui sera, à l'été 84, le chef-d'œuvre d'une génération d'exception.
Équipe de France 1982-1984 : une formation qui a changé de dimension
Mondial 1982. Révélation de l'épreuve ibérique, la jeune équipe de France de Michel Hidalgo éblouit la compétition et tutoie les sommets du football international. La Coupe du Monde 1978 n'avait été qu'une courte aventure française en Argentine. En Espagne, les Français se hissent jusqu'en demi-finale face à l'ogre allemand. Tous les amoureux du foot connaissent par cœur ce match d'anthologie et légendaire de Séville. Éliminées aux tirs au but après un mythique nul 3-3, les tricolores finissent finalement quatrième du tournoi. Mais ils ont remplacé la France parmi les nations qui comptent sur l'échiquier mondial.
D'autant plus que deux ans plus tard, c'est dans l'Hexagone qu'a lieu le Championnat d'Europe des Nations. Évoluant à domicile après sa Coupe du Monde réussie, la France a basculé dans le rang des favoris de l'épreuve. C'est clair : il ya un avant et un après 1982. Les Bleus n'ont plus le même statut…
Malgré tout, lorsqu'ils se retrouvent le 31 août 1982 au Parc des Princes après leur fol été espagnol, c'est la douche froide. Contre la Pologne qui avait déjà conquis la troisième place du Mondial à leurs dépens, la défaite est sèche et même un peu humiliante : 4-0. À la décharge de cette équipe de France 1982-1984, ni Alain Giresse ni Michel Platini, ses deux stratégies, ne sont là.
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Heureusement, les Français terminent bien l'année avec deux victoires. La première à domicile face à la Hongrie (1-0), puis la deuxième à l'extérieur aux dépens des Pays-Bas (2-1). La France entame l'année 1983 avec un troisième succès probant au Portugal, 3-0. Cette série coïncide avec le retour de Platini dans le onze bleu. En terre lusitanienne, c'est lui qui offre les trois ballons de but, dont deux pour Yannick Stopyra, auteur d'un doublé.
Puis, au mois de mars, c'est un duel de prestige auquel assistent les 45 000 spectateurs du Parc des Princes. Il oppose les hommes d'Hidalgo à l'URSS, pour un match nul 1-1. Star de l'équipe soviétique, le Ballon d'Or 1975 Oleg Blokhine est encore l'un des tous meilleurs joueurs du monde. Quelques années plus tôt, il avait été bien malgré lui l'un des acteurs majeurs de l'un des plus beaux exploits français en Coupe d'Europe.
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1983, des résultats en dent de scie à même de faire douter
La série d'invincibilité qu'établit alors l'équipe de France la place dans une bonne trajectoire vers l'Euro. D'autant que, qualifiée d'office pour sa compétition à domicile, elle n'a durant cet intervalle 1982-1984 que des matchs amis à disputer, sans enjeu évident.
En avril 1983, une victoire convaincante contre la Yougoslavie à domicile sert de trompe-l'œil. Les coéquipiers de Dominique Rocheteau, double buteur, gagnent bien largement (4-0). Cependant, ils ne savent pas encore que c'est le dernier succès de leur année civile.
La suite de 1983 est en effet bien plus difficile, voire inquiétante côté français : 4 matchs, 0 victoire, pour 3 matchs nuls et une large défaite 3-1 au Danemark. Le bilan de l'année est sans appel. Sur 7 rencontres, les Français n'en ont remporté que 2. Résultats bien maigres pour une équipe censée être la favorite du Championnat d'Europe ayant lieu un an plus tard…
Pire, sur les adversaires affrontés lors de cette période infructueuse de l'équipe de France 1982-1984, il n'y a que des formations qualifiées pour l'Euro. Donc des concurrents que les tricolores pourraient être amenés à rencontrer vers ce triomphe espéré à domicile. D'abord, les Bleus butent sur la Belgique (1-1). Ensuite, ils perdent donc en Scandinavie contre les Danois (3-1). Ils enchaînent après deux tristes nuls contre l'Espagne (1-1) puis la Yougoslavie (0-0) pour conclure l'année.
Lorsque le tirage au sort de l'Euro français est réalisé à Paris en janvier 1984, la confiance n'est donc pas forcément de mise. D'autant que le hasard attribue aux tricolores le Danemark, la Belgique et la Yougoslavie comme adversaires… Trois formations sur lesquelles ils viennent de buter, malgré la présence dans l'onze de patrons du groupe tel Michel Platini ou Maxime Bossis.
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Entre 1982 et 1984, la construction d'une équipe… avec de nombreuses premières
Dans ce contexte d'une année 1983 plutôt décevante, l'image d'une équipe toute puissante déjà assurée de gagner l'Euro tombe essentiellement à l'eau. Des difficultés qui donnent encore plus de soulagement au succès français au Championnat d'Europe des Nations l'été suivant.
Mais ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que cette période pivote a permis la construction d'une équipe. Une formation bâtie à partir de celle de 1982 certes, mais différente malgré tout. Et pour qu'un onze se forme, s'guerrisse et soit prêt à gagner, il faut forcément du temps.
Aussi, cette période de l'équipe de France 1982-1984 se caractérise par de multiples premières. Des essais de joueurs, des arrivées, des premiers mais inscrits, celles-ci sont en fait nombreuses !
Lors du nul de mai 1983 contre la Belgique, Didier Six ouvre le score pour la France. Mais pour le rapide attaquant tricolore, ce match a un parfum particulier pour une autre raison. Ce jour-là, Michel Hidalgo lui fait l'honneur de lui confier le brassard de capitaine de l'équipe. C'est le premier et le seul de sa carrière.
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Pareille première arrive également en faveur d'Alain Giresse au cours d'une victoire 1-0 contre l'Autriche en mars 1984. Lui non plus ne retrouvera jamais plus le capitanat. C'est une curiosité que ce géant du foot français n'était porté qu'une seule fois le brassard des Bleus.
Qui dit formation d'une équipe, dit également nouveaux joueurs. Lors de la belle victoire de 1983 contre la Yougoslavie (4-0), c'est le virevoltant Nantais José Touré qui fait ses débuts avec le coq sur la poitrine. Il en profite pour clore la partition d'une reprise de volée, inscrivant, comme plusieurs autres grands noms, son premier mais au cours de sa première sélection. Blessé, il ne pourra malheureusement pas participer à l'Euro 1984.
Avant lui, deux autres talents intègrent l'équipe et marquent également leur premier but en Bleu en 1983 :
- Jean-Marc Ferreri au Portugal ;
- Luis Fernandez face à l'URSS.
Une formation qui se construit, c'est aussi et surtout des générations qui se croisent. Formidable première : en octobre 1983 contre l'Espagne, Marius Trésor bat le disque de sélections de Roger Marche. Il devient alors le joueur le plus capé de l'histoire tricolore avec 64 matchs sous le maillot bleu. Il portera cette marque à 65 sélections mais, victime de problèmes au dos, il devra également renoncer à l'Euro. C'est Maxime Bossis qui prendra sa place dans l'axe de la défense tricolore.
Maxime Bossis, l'un des cadres de l'équipe de France 1982-1984
Pendant de ce match où Trésor devient le recordman des sélections, un petit nouveau joue pour la deuxième fois seulement avec le coq : Joël Bats. Ce dernier est appelé pour sa première rencontre quelques mois plus tôt, lors de la défaite au Danemark. Il prend place dans une cage où, au cours des années précédentes, de multiples gardiens sont passés sans réussir à vraiment s'imposer durablement dans le onze. Il se confie : « Il y avait plein qui avait eu leur chance. Moi je ne l'avais pas encore eue ». Ainsi, il raconte que l'objectif qu'il avait avant d'être pris était juste d'« avoir une fois ma chance en équipe de France ». Puis, en échangeant avec son collaborateur à Auxerre Dominique Cuperly, ce dernier lui dit : « Ce n'est pas une sélection qu'il faut que tu dises, c'est cinq ans de sélection. Il faut que dans ta tête , […] tu y ailles pour être sélectionné tout le temps ». C'est la chance de Bats de devenir le taulier des buts que les Bleus attendent. Il ne la rate pas et s'impose vite comme le portier indiscutable de l'équipe nationale.
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Ce qui lui permet de faire son trou au milieu des Platini, Battiston, Rocheteau, Lacombe et consorts ? Il explique avoir « eu la chance qu'on a eu des matchs amicaux qui se sont bien déroulés où on est resté, je pense, sept ou huit matchs sans prendre de but ».
C'est vrai. À la sortie de l'année à moitié ratée de 1983, l'équipe de France 1982-1984 se met en mode rouleau compresseur. En février 1984, elle bat l'Angleterre de façon autoritaire 2-0 au Parc, grâce à deux buts de Platini. Un vrai test réussi avec la manière. Les Bleus n'avaient plus battu la Perfide Albion depuis 1963…
Durant ce match et après avoir raté un mais tout fait, le joueur de la Juve a marqué d'une jolie tête sur un centre précis d'Alain Giresse. Sa seconde réalisation est un classique : un coup franc platinien sur lequel le gardien Peter Shilton ne peut rien. « J'ai vu un trou, j'ai tiré le plus vite possible, c'est rentré », analyse-t-il après la rencontre. Michel Hidalgo commente cette belle victoire en qualifiant son génial meneur de jeu d'« éternel phénomène ».
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Mais la différence entre les matchs poussifs de la fin 1983 et cette promesse de 1984 tient aussi peut-être à une autre première. Ce jour-là contre l'Angleterre, Michel Platini, Alain Giresse, Jean Tigana et Luis Fernandez sont pour la première fois titularisés ensemble. Le fameux « carré magique » d'Hidalgo, Fernandez remplaçant Bernard Genghini, illuminera le jeu français lors de l'Euro 1984.
En attendant, les Bleus enchaînent ensuite contre l'Autriche 1-0. En avril, ils battent sur le même score la RFA, championne d'Europe en titre. Symbole d'un passage de relais. Puis, à Marseille en juin, ils ont facilement obtenu de l'Écosse 2-0, grâce à Giresse et Lacombe. Résultat des courses pour les matchs de 1984 précédant l'Euro : 4 rencontres, 4 victoires, 6 buts marqués, aucun encaissé. Et 1 seul gardien dans les cages lors de chaque soirée : Joël Bats.
Le rendez-vous suivant des Bleus , c'est leur entrée officielle dans leur Championnat d'Europe 1984 face au Danemark . C'est là une autre histoire … Elle ne se serait sans doute pas terminée dans l'euphorie et l'allégresse si cette équipe de France 1982-1984 n'avait alors pas trouvé son ossature. Du dernier rempart à son emblématique carré magique , c'est un groupe de footballeurs uniques qui s'est formé, prêt à vivre une aventure extraordinaire. Découvrez-en bien d'autres en écoutant les épisodes du Podcast des Légendes !