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July 14, 2023

Pascal Vahirua, une Légende Polynésienne

Des plages de Tahiti aux rives de l’Yonne, des parties de foot entre les cocotiers aux pelouses suédoises de l’Euro 1992… La carrière et la vie de Pascal Vahirua sont d’abord synonymes de voyages. Avec passion, humour et humilité, cette légende polynésienne du football s’est confiée pendant près d’une heure et demie sur Le Podcast des Légendes. Ses belles années auxerroises, les exploits européens, son aventure pleine de promesses et finalement inachevée avec l’équipe de France, sa vision du football… Suivez dans cet article les traces de celui qui fut l’un des meilleurs ailiers gauches de sa génération, aussi élégant qu’insaisissable sur le terrain.

Une jeunesse tahitienne : la passion du football dans les pieds et des rêves plein la tête

Des parties de foot entre les cocotiers 

Né à Papeete le 9 mars 1966, Pascal Vahirua est un enfant de la Polynésie française, petit archipel perdu au milieu du Pacifique sud. Ces premières années passées dans l'insouciance, entre le sable de la plage et les vagues de l’océan, lui donnent le goût du sport. Mais entre toutes ses activités, c’est l’amour du ballon qui s’impose très rapidement. 

« Je jouais dans ma presqu’île du côté de Mataiea, près de Jobo, la vague mythique de la Polynésie », raconte-t-il. Le jeune Pascal a 10 ans. À cet âge-là, le football se résume au plaisir du jeu. Juste un groupe de copains qui se réunit pour taper dans la balle sur la plage, entre les cocotiers.

Puis, en grandissant, les grandes stars et les matchs marquants de cette période imposent en lui le football comme une véritable passion. Le fameux Brésil-France de 1977 (2-2), l'irrationnelle demi-finale de la Coupe du Monde 1982 France-RFA de Séville font partie de ses premiers souvenirs de fan de foot. Ses idoles, ceux qui lui ont « donné envie de jouer au football » : Michel Platini, Diego Maradona, Mario Kempes ou encore… Errol Bennett. 

À l’époque, Erol Bennett est la star locale du football polynésien, mais aussi l’oncle du petit Pascal. Pour lui, « c’était une statue », douze années consécutives meilleur buteur de la Polynésie. Peut-être plus qu’un autre, c’est l’exemple de cet oncle qui donne au futur international français « l’envie de partir ». Même si ce départ de l’autre côté de la planète n’a rien d’évident, encore moins pour un jeune garçon vivant sur une île paradisiaque. Comme Pascal Vahirua le dit avec sagesse, « partir, quitter une île aussi belle que ça, c'est pas donné à tout le monde ».

Premier voyage en France métropolitaine

Ce premier voyage vers la Métropole intervient par l’organisation de matchs réunissant les cadets nationaux des quatre coins de France. À l’INF de Vichy, faisant face à des températures bien inférieures qu’en Polynésie, les jeunes Tahitiens battent pourtant 1-0 leurs homologues corses. C’est lui qui marque l’unique but du match.

Des équipes comme le FC Nantes ou l’AS Saint-Étienne l’approchent. « Mais moi, je n'avais pas encore cette vision du football », se souvient Pascal Vahirua dans Le Podcast des Légendes. À 13-14 ans, le simple plaisir du jeu, avec ses copains (et son frère aîné) était encore prédominant. « Jouer la Corse à l’INF de Vichy à -5 °C, pour nous, c'était magique ! ».

C’est seulement quelques années plus tard que des ambitions commencent à se former, humblement, dans l’esprit de l’adolescent. Mais Pascal Vahirua n’a alors « pas de plan de carrière, au contraire, c'est des rêves, c'est surtout des rêves », dit-il. Ces derniers sont ceux de tous les jeunes footballeurs sans doute : jouer dans des stades pleins et une ambiance de feu. Avec deux écrins dont rêve le Tahitien : le Parc des Princes de Paris et Geoffroy-Guichard, le « Chaudron » de Saint-Étienne.

À 16 ans, il évolue déjà en senior, en Division d’Honneur. Meilleur buteur de son club, il joue alors au poste d’avant-centre. L’envol vers la Métropole, cette fois-ci définitif, ne va pas tarder pour le jeune Pascal.

Le grand bond de Pascal Vahirua à l’AJ Auxerre

Sous l’aile protectrice de Guy Roux

En 1983, Guy Roux, célèbre entraîneur de l’AJ Auxerre qu’il a fait passer de club amateur inconnu à l’élite du football français, est invité à Tahiti. Pendant 10 jours, il voyage dans les îles et demande alors à voir jouer le « prodige ». Observé par l’œil expert du talentueux formateur, Pascal Vahirua ne se loupe pas. « On avait gagné 8-0 et j'ai marqué 5 buts », explique-t-il.

Ce qui fait la différence entre Auxerre et d’autres clubs ? L’assurance donnée de pouvoir venir immédiatement et de s’entraîner directement avec l’équipe première, sans passer par les équipes de jeunes. « À cette époque-là, il y avait les Ferreri, Bats… des grands messieurs ! », se souvient le Polynésien.

Alors, il n’a que dix jours pour faire ses valises, dire au revoir à ses frères, ses parents, son île, et partir. Pas évident… « La personne à convaincre, déjà en premier, c'était ma maman : très difficile », avoue Pascal Vahirua. Pour la persuader, il lui dit qu’il part juste un mois. Puis c’est le grand départ pour la petite ville d’Auxerre, en Bourgogne, où il restera finalement… douze ans. « Je ne savais pas où c'était », confesse-t-il. Mais en s’envolant pour la métropole, le jeune footballeur réalise la première moitié de son rêve. Pour concrétiser la deuxième partie, réussir, il va s’y accrocher de toutes ses forces.

Avec une volonté de fer, malgré ses parents et son foyer à des milliers de kilomètres, à 24 heures d’avion de la Métropole. « Moi je pensais juste réussir, réussir, réussir, réussir », se remémore le Tahitien. Celui-ci, en 1983, a aussi conscience que Guy Roux lui offre la chance de sa vie. « L’avion, il ne passe qu'une fois […] mon train, il est passé et je dois saisir l'occasion ».

La découverte d’Auxerre et l’acclimatation au climat métropolitain ne sont pas faciles. En juillet 1983, il ne fait « que » 20 °C, et les logeurs de Pascal Vahirua allument leur cheminée pour le réchauffer. Il intègre ensuite le centre de formation auxerrois, La Pyramide, au côté d’une génération dorée. Premier entraînement, première rencontre avec ses nouveaux coéquipiers. Premier réflexe, comme cela se fait partout en Polynésie : tutoyer Guy Roux. « Et Guy… Je me mets où ? ». Les autres joueurs explosent de rire et le traitent de malade. Pascal Vahirua est accepté. 

De la RH polynésienne au Milan AC de Maldini en un an

L’éloignement avec les siens, difficile, est comblé par l’affection et le lien qui se tissent entre le Tahitien et ses coéquipiers. « L'équipe première, ils sont devenus mes parents », confie-t-il. Le soutien de Guy Roux, pendant les moments de blues, a aussi beaucoup compté. Même si l'entraîneur auxerrois, qui l'a « bien couvé », sait aussi se montrer rude parfois pour montrer la voie à suivre à l’apprenti footballeur. À une époque où il n’y a ni portable, ni internet, celui-ci doit négocier pour pouvoir téléphoner une fois par mois à ses parents. « Tes pieds, c’est ton outil de travail », le gronde aussi Guy Roux un jour où il le surprend à faire une pétanque pieds nus.

Après deux ans au centre de formation, Pascal Vahirua habite dans une maison appartenant à l’entraîneur bourguignon, en collocation avec Basile et Roger Boli. Les autres jeunes Auxerrois sont aussi d’immenses talents tels Éric Cantona ou William Prunier.

 

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Pascal Vahirua se remémore avec émotion de ses premiers matchs sous le maillot d’Auxerre au sein de l’équipe première. C’est là qu’il mesure le chemin accompli et qu’il touche du doigt la deuxième moitié de son rêve. « Mai 1983, je fais Tefana contre Mateiea, je joue. Et […] octobre 1984, un an après, tu fais Milan AC ! Waouh ! Il y a un grand changement là-dessus ! ». Avec un souvenir précis de qui il croise sur la pelouse pour les quinze dernières minutes qu’il joue : la légende italienne Paolo Maldini. « Son premier match de Coupe d'Europe, il a joué contre Auxerre et contre moi ! Son premier match ! ».

L’AJA l’emporte 3-1. Ce n’est que l’un des premiers exploits européens de cette fantastique génération. Replacé sur l’aile gauche par Guy Roux, Pascal Vahirua devient professionnel et s’impose vite dans son couloir.

D’Auxerre à l’équipe de France, le plaisir du jeu

Des exploits européens et des titres à Auxerre qui le font devenir international

Malgré le fait qu’il soit parvenu à devenir professionnel, Pascal Vahirua ne se construit toujours pas de plan de carrière. À Auxerre, il est bien, et repousse même une sollicitation de l’OM en 1987. Il reste fidèle à lui-même et à ses envies de jeunesse : jouer dans des stades pleins. 

« Attirer les gens pour venir te voir jouer, c'est plus que magique ! C'est phénoménal ! », confie-t-il au Podcast des Légendes, dans une conversation riche de mille souvenirs. 

À l’époque, en plus de sa rapidité et de la facilité de ses dribbles, ses principales qualités sont « le combat, la rage, la détermination ». Dans ce football plus « dur sur l’homme » des années 1980/90, plusieurs coéquipiers jouent avec lui le rôle de « garde du corps ». Basile Boli ou Daniel Dutuel protègent le Tahitien, comme le faisait auparavant son frère aîné en Polynésie. 

Sur son aile, Pascal Vahirua fait des ravages. Il fait partie de l’une des plus belles générations de l’AJ Auxerre qui réalise de magnifiques parcours en Coupe d’Europe, jusqu’à une demi-finale de Coupe de l’UEFA 1993. Pour y accéder, les Bourguignons terrassent un monument du football européen : l’Ajax Amsterdam qui, deux ans plus tard, remportera la Ligue des Champions. À l’Abbé-Deschamps à l’aller, Auxerre l’emporte 4-2. Alors que le score est encore à 2-2, Pascal Vahirua marque un magnifique corner direct qui reste dans la légende. « J'étais en réussite à ce moment-là », explique-t-il modestement. Un an plus tard, l’AJA remporte la Coupe de France 1994. Aux côtés de joueurs comme Bruno Martini, Franck Verlaat, Gérald Baticle, Christophe Cocard, Franck Silvestre ou Corentin Martins, Pascal Vahirua marque l’histoire du club bourguignon.

 

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Des performances qui ouvrent au Tahitien les portes de l’équipe de France. En 1989, il reçoit un coup de téléphone : c’est Michel Platini, alors sélectionneur des Bleus. À ce moment, « ça gargouille un peu », comme il dit. Une fois sa première convocation officialisée, c’est l’explosion, « l’aboutissement du travail pro ». Porter le maillot de l’équipe nationale, « il n'y a rien qui me fascinait beaucoup plus », témoigne-t-il.

En Bleu, l’invincibilité pendant 3 ans avant l’échec de l’Euro 1992

Commence alors une magnifique aventure longue de 22 sélections et ponctuée d’un but. Des mots mêmes de Pascal Vahirua, à l’époque, avec Papin, Cantona, Deschamps, Blanc et consorts, le groupe France « est magique ». « On décidait tous ensemble avec Platini, on décidait tous ensemble de gagner les matchs », indique-t-il.

Et c’est peu dire. Car de 1989 à 1992, l’équipe de France va enchaîner 19 matchs sans défaite. Elle réussit surtout une campagne de qualification pour l’Euro 1992 en Suède exceptionnelle : 8 matchs, 8 victoires. Ça n’avait jamais été réalisé jusque-là. 

Pourtant, alors que la France fait partie des favoris, le Championnat d’Europe sera un échec cuisant. Comment l’expliquer ? Pour Pascal Vahirua, qui a joué le dernier match de poule perdu éliminant la France contre le Danemark (1-2), la raison est simple. Pendant l’Euro, les tensions, inexistantes pendant la phase qualificative, font finalement surface. Les inimitiés entre joueurs de l’OM ou du PSG deviennent plus fortes que la cohésion du groupe. Cela l’a fait exploser : « Il n’y avait plus cette unité », regrette-t-il. Il va même jusqu’à révéler que certains joueurs remettent alors en question les choix de Platini. « c'est lui le coach ! C'est tout ! » rappelle pourtant Pascal Vahirua, regrettant le manque de respect que son sélectionneur a subi. « Il ne faut pas qu'on perde ces valeurs-là : respect ». 

Dans la foulée de l’élimination, Platini démissionne. « Moi [cette décision] ne me choque pas parce que je pense qu’on ne l'a pas respecté, voilà, on ne l'a pas respecté, c'est tout », estime le Polynésien, trente ans après. Pourtant, avec Manuel Amoros, Bruno Martini, Basile Boli ou Bernard Casoni, « on avait une belle équipe ! ».

Encore sélectionné pendant quelques années, Pascal Vahirua rate, comme tous les Bleus, le train de la Coupe du Monde 1994 aux États-Unis. Il n’est pas dans le groupe pour les deux matchs de novembre 1993 face à Israël et la Bulgarie. Pour cette élimination catastrophique, « j'étais à la maison, j'ai juste cassé ma télé, c'est tout. Voilà… » La carrière internationale de Pascal Vahirua prend fin quelques mois plus tard, en 1994.

 

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Pour Pascal Vahirua, trois maîtres mots essentiels : le respect, l’humilité et l’amour du maillot

Le sens de la famille

Le Tahitien décide de quitter Auxerre en 1995, poussé par l’éclosion d’un certain Bernard Diomède. « C'est normal d'accepter, dit-il avec modestie et bienveillance. Quand tu as un mec qui éclot, on doit le laisser passer ».

Il poursuit sa carrière en deuxième division, à Caen. Il aide le club normand à remporter le championnat et donc à remonter immédiatement en D1. Il y passe trois saisons avant, au début des années 2000, de prendre officiellement sa retraite.

Alors, qu’est-ce que Pascal Vahirua retient de tous ces voyages, de ces émotions et de cette belle carrière ? Avant tout, ce sont les valeurs importantes qui sont les siennes qui transparaissent du récit de ses souvenirs. L’humilité bien sûr, mais aussi le respect et le sens de la famille, très importants pour lui. 

Lorsqu’il signe son premier contrat professionnel à Auxerre, son objectif est de faire venir les siens pour réunir la famille en métropole. « Dans ma négociation, j'avais négocié deux billets d'avion aller-retour pour mes parents », confie-t-il. « Ça reste ma source de vie : mes parents ». Pour lui, « les parents, c'est sacré ». Durant toute sa vie, son but a donc été de les respecter, de les « récompenser », de leur rendre ce qu’ils lui avaient apporté.

La vision du football de Pascal Vahirua

Ce respect, Pascal Vahirua l’a témoigné envers tous ceux qui l’ont entouré : famille, coéquipiers, entraîneurs, spectateurs. Car il n’oublie pas une chose : « Sans le public, on n’est rien ». Avec toujours comme leitmotiv de bien jouer pour se faire plaisir sur le terrain et en donner dans les tribunes.  

Et pour bien jouer, il faut nécessairement le faire à onze. L’international français le rappelle : « Le football, c'est pas un, c'est ensemble ». Plus de vingt ans après la fin de sa carrière, sa vision du jeu n’a pas changé. Le football, c’est quoi ? Pascal Vahirua l’explique parfaitement : « un sport collectif, on essaie de trouver l'union sacrée qui te permet d'être en concordance avec la personne avec qui tu es en train de jouer. Il faut s’unir. Tu ne peux pas y aller tout seul ».

Comme un résumé de la belle épopée auxerroise dont il a été l’un des acteurs majeurs. Quand il s’agit de revenir sur les raisons qui ont amené cette petite formation de l’Yonne à renverser des géants européens, l’explication est simple à trouver. De grands joueurs constituaient cette équipe, mais « on avait surtout l’amour du maillot », se souvient le Tahitien. Celui-ci porte ensuite un regard un peu triste et nostalgique sur l’évolution qu’a connue ce sport roi. « L'amour du maillot maintenant, je ne sais pas si ça existe encore », regrette-t-il. 

Bien des années après restent les liens tissés et les amitiés nées avec plusieurs de ses coéquipiers, comme Stéphane Mazzolini ou « La Prune ». Découvrez d’ailleurs la deuxième partie du podcast consacré à William Prunier, Ennemi Public Numéro Un. Pascal Vahirua est aussi parrain de la fille de Raphaël Guerreiro, avec qui il a joué à Auxerre puis à Caen. Les amitiés et la famille, toujours d’abord.

 

La carrière de Pascal Vahirua a donc été celle d’un enfant de Tahiti qui a entrepris de grands voyages pour réaliser ses rêves. Avec, toujours, ces valeurs d’humilité, de respect, de sagesse et cet amour du football qui ne l’ont jamais quitté. Quel est le meilleur souvenir de sa vie de joueur ? Que retient-il des grands entraîneurs qu’il a côtoyés ? Que pense-t-il de son héritage au football ? Pour le découvrir, allez écouter sans tarder l’ensemble de son récit chaleureux dans Le Podcast des Légendes, Une Légende Polynésienne.